Médiumnité et enrichissement

En référence à l’enseignement des esprits du « Livre des Esprits » d’Allan Kardec, des médiums font le choix de ne pas monnayer leurs services, partant du principe qu’on ne revend pas un don. Certains, ayant cédé à l’appât du gain, se sont vus retirer leur médiumnité. D’autres pas…

 

       Le monde spirituel est détaché par définition du monde de matière ; les esprits étant libérés de leur enveloppe charnelle. Ce qu’on peut comprendre de la hiérarchisation des plans spirituels, selon le témoignage de médiums et l’enseignement des esprits, c’est que plus le plan est élevé, plus l’âme se rapproche de l’état pur et moins elle a besoin d’une protection matérielle (corporelle). Les plans les moins élevés le sont davantage que le plan terrestre, qui lui est fait de matière dense par excellence, mais sont encore dépendants de structures administratives, religieuses, familiales. A travers le récit d’André Luiz (« La vie dans le monde spirituel » 13 volumes donnés en psychographie à Chico Xavier), le monde spirituel est décrit ainsi. Les habitants de ce plan ont besoin de nourriture, même si elle est plus fluidique (comme des soupes) que sur la terre. Plus l’esprit est pur, plus sa nourriture est fluidique : imaginez des entités se nourrir d’amour.

     Le bien matériel est une histoire d’homme, il n’est pas à diaboliser car il est un outil nécessaire pour vivre sur Terre, par contre il devient une menace si la personne s’y attache trop et en fait un but en soi. Si le corps a besoin de confort matériel, l’esprit est toujours sous la menace de la dépendance psychologique.

   Un médium est une personne qui coopère avec le monde spirituel et le monde spirituel n’en a que faire de nos histoires d’argent. La vie incarnée sur Terre dure le temps d’un battement de cil face à l’éternité… être démuni n’est pas du point de vue du développement spirituel un obstacle. Etre argenté peut être aussi un moyen de faire le bien autour de soi. Démuni ou pas, le matériel est un danger quand il devient une obsession qui nous fait occulter nos qualités spirituelles.

 

          Doit-on être choqués qu’un médium fasse payer ses services et s’enrichisse grâce à son succès ? Cette question peut être abordée sous plusieurs angles de vue : celui du médium ou de celui qui le sollicite.

Pourquoi ne serait pas rémunérée une personne consacrant sa médiumnité au service des autres à plein temps ; louant un lieu pour ses consultations, et parfois du matériel selon le praticien ? C’est mettre au même niveau un médium, un diététicien, un dermatologue ; les tarifs des médiums étant à peu près les mêmes. On opposera que la médiumnité n’a pas demandé d’études comme ces dernières spécialités. C’est vrai, mais personne ne prend en compte l’amortissement de ses études dans la pratique de son métier, sinon les honoraires diminueraient avec l’ancienneté du praticien. C’est alors un argument mesquin.

        Le médium a cette particularité de collaborer avec le monde spirituel et il endosse alors une responsabilité morale vis-à-vis de ses consultants. Il doit donner des conseils, aider les personnes à avancer et sa façon de penser doit être vertueuse pour cela. Si elle ne l’est pas, le consultant peut douter de la qualité des conseils qui lui seront dispensés, ou tout simplement du pouvoir du médium à faire le bien. Le médium, s’il ne se protège pas par une morale incorruptible, peut être trompé aussi par les esprits avec qui il coopère, ceux-là n’étant pas sur une vibration très élevée. Ainsi, on déconseille à toute personne lambda de jouer aux tables tournantes, ce genre de pratique ayant plus de chance d’attirer des esprits farceurs que des esprits élevés. L’intérêt des esprits pour les choses de la matière est mauvais signe car des esprits purs en sont détachés et ne se mêlent pas de ces questions. Si on demande à un médium à quel prix on vendra sa maison, la réponse de l’esprit devrait souligner le peu d’importance de cette réponse ; et une réponse précise doit au contraire nous avertir sur le peu de crédibilité de celle-ci : l’esprit se joue-t-il de nous, fait-il une réponse fallacieuse pour nous satisfaire ; ou est-ce le médium qui brode à défaut de pouvoir apporter une réponse ?

Un médium guérisseur n’est pas de la même manière dans le conseil moral car il dispense des soins et ceux-là ne passent pas nécessairement par le dialogue. Si l’échange verbal ne nous donne pas d’information sur l’élévation morale du soigneur, le résultat devrait parler de lui-même. Si le médium est bon et efficace, le bouche à oreille va très vite et il est de plus en plus sollicité.

    C’est en fait quand le médium en arrive à ce succès que la question de l’enrichissement vient faire obstacle à la morale. Le médium doit-il réduire ses tarifs pour éviter le piège de l’enrichissement ? Ainsi pourraient profiter de ses services des personnes moins argentées. Et même avec des honoraires raisonnables ou en dessous de la moyenne le médium s’enrichit, d’autant plus qu’il ne compte pas son temps et fait beaucoup de consultations (l’excès de travail est a priori une preuve de courage et d’altruisme plus que de cupidité). C’est alors à lui de savoir ce qu’il fait de son argent : il en fait don à des associations, il le fait circuler en le réinjectant dans la société (ce qui est vertueux) ou il l’accumule et l’utilise pour des satisfactions personnelles spirituellement stériles ? On peut même imaginer que le médium se positionne comme un « robin des bois » en se constituant une clientèle aisée qui va payer sa séance « plein pot », argent qui sera redistribué vers des personnes plus nécessiteuses.

Ajoutons à cela qu’un médium vertueux est détaché du matériel, et que d’avoir beaucoup d’argent ou peu d’argent ne porte pas atteinte à son évolution spirituelle. Les esprits n’ont donc aucune raison de lui retirer ses possibilités de travail. S’ils le font, c’est que le poison a commencé à agir et se répandre. Le médium peut-il se retrouver dans la situation où son don lui est retiré, mais il continue son travail comme s’il était encore en contact ? Ce serait mensonge et charlatanisme, mais celui à qui ça arrive est alors déjà tombé dans le piège d’un fonctionnement non vertueux, donc ça ne semble pas impossible. Le meilleur moyen de savoir à qui on a à faire est dans la qualité du résultat (celle du discours peut être mimée sur les acquis passés !

     Alors que cet éventail de possibilités existe, comment juger ce médium qui s’enrichit grâce à ses consultations ? En tant que client, ce n’est peut-être pas la quantité d’argent qu’il gagne qui me concerne, mais ce que ça me coûte. Le sentiment d’être spolié est gênant mais n’ai-je pas le choix d’aller voir ou pas qui je veux ? Je dois savoir le prix que va me coûter la consultation avant de la commencer. Tomber dans le piège de dépenser plus que ce qu’on avait prévu en voulant davantage, ou en voulant en savoir plus est de la responsabilité de notre faiblesse, et témoigne certainement d’une escroquerie qu’il faut fuir.

 

Même sans escroquerie, on peut avoir ce sentiment de gêne en constatant que le médium qu’on consulte gagne beaucoup d’argent : même si une petite voix nous dit que ça ne nous regarde pas, une autre voix nous souffle qu’on est peut-être en train de se faire avoir. L’argent est un tabou et dérange, mais comme expliqué plus haut, le rapport à l’argent nous indique le degré de qualité morale de la personne. Cependant nous ne pouvons pas être juge du médium et de son rapport à l’argent, ne sachant pas comment il le gère. Le seul jugement est celui de l’efficacité du service qu’on a payé. Le reste n’est que commérage.

Le client est au même titre que le médium un individu qui doit travailler à son élévation morale. La mesquinerie et le commérage n’ont jamais élevé personne, il faut apprendre à couper court à la tentation et à s’en détacher. Après tout, nous aurons tous des comptes à régler au bout du chemin, et le karma se chargera de restaurer les déséquilibres. Si le médium est dans l’erreur vis-à-vis du matériel, son jugement viendra, comme le nôtre.

Nous n’avons pas tous la chance de connaître plusieurs médiums quand on aurait besoin de leurs services ; je pense plutôt aux guérisseurs pour cet exemple. Des personnes peu argentées ne peuvent pas forcément s’engager dans des soins, qui souvent sont plus efficaces dans la durée qu’isolés, comme tous soins. Peut-on soupçonner le médium d’un manque d’altruisme ? Certains refusent de monnayer leurs services ; ou du moins n’imposent pas un tarif pour cette raison.

 

Mais lorsqu’une personne a ce don, elle ne peut pas soigner tout le monde, elle doit se positionner. Tarifer ses soins peut être un moyen de filtrer. La sélection par l’argent choque, mais comme le domaine spirituel ne tient pas compte de ce critère, les personnes qui ont les moyens ont la même valeur en tant qu’individus que ceux qui ne les ont pas. Peut-être que ces personnes ont davantage besoin d’aide que les plus pauvres, leur santé spirituelle étant plus attaquée. Peut-être qu’il faut profiter de l’argent que les plus riches peuvent donner pour pouvoir avoir, grâce à cela, une action en faveur des plus pauvres, et qui sera ignorée des clients ? Et si le positionnement est de ne pas tarifer ses services, ou très peu, il faut résoudre alors la possibilité de crouler sur la demande, devoir faire une sélection. Ce genre de médium se trouve confronté à des gens pingres qui profitent de la gratuité…  Une personne élevée moralement répondra « tout le monde le mérite » ou « tout le monde en a besoin », et surtout les plus boiteux, spirituellement parlant.

 

Le médium est un être humain, et il n’est qu’un intermédiaire entre nous et le monde spirituel. Il n’est pour autant pas plus préservé que nous des vicissitudes de la vie ou des erreurs d’interprétations. Mais avant de le juger, regardons-nous nous-mêmes, et beaucoup de questions seront résolues.

 

 

 

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